Le 24 septembre 2001, la bataille fait rage autour de la pose d'une plaque à la mémoire des victimes de la manifestation du 17 octobre 1961. Les quatre groupes de Droite s'opposent vivement au principe. Le Mouvement des Citoyens et la Préfecture de Police font pression pour édulcorer le message inscrit sur la plaque. Voici l'intervention de Sylvain Garel, Conseiller de Paris des Verts :

"Le 17 octobre 1961 et les jours qui ont suivi se sont écrites les pages les plus sombres de l'histoire de Paris depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Il faut d'abord rappeler que si la manifestation organisée ce soir là par le FLN parisien était illégale, elle était tout à fait légitime. Le Préfet de police de Paris de l'époque, Maurice Papon - de sinistre mémoire - agissant dans toute cette affaire sous les ordres du Ministre de l'Intérieur, Roger Frey, du Premier Ministre, Michel Debré et du Président de la Vème République, Charles de Gaulle (1) venait de décider d'un couvre-feu. Mesure déjà inacceptable dans une démocratie, mais qui devient totalement intolérable quand, comme ce fut le cas, elle ne s'applique qu'à une fraction de la population et parfaitement abjecte quand elle se fonde sur des critères d'origine en l'occurrence l'interdiction pour les Algériens d'être dans les rues de la capitale une fois la nuit tombée. Cette mesure raciste qui imposait l'apartheid à Paris devait être combattue. On peut regretter que si peu de Français se trouvèrent aux côtés des Algériens dans les rues de Paris le 17 octobre 1961.

La répression fut atroce et immédiate. Dès le début de cette marche pacifique (pratiquement aucun fonctionnaire ne fut blessé ce soir là) qui réunissait des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, des Algériens désarmés furent matraqués à mort ou abattus par des policiers déchaînés et manipulés par des fonctionnaires proches de l'OAS. Cela dura toute la nuit. Certains manifestants ne devant la vie sauve qu'à la solidarité des quelques parisiens - des Justes eux aussi - qui ont ouvert la porte de leur immeuble à des hommes pourchassés comme des bêtes. Pire encore, les jours suivants, dans des commissariats parisiens, dans la Cour de la Préfecture de police (située à quelques mètres de l'Hôtel de Ville) des milliers d'Algériens interpellés le 17 octobre furent tabassés voire pour certains froidement exécutés par des fonctionnaires de police. De nombreux corps furent jetés à la Seine. Pendant plusieurs semaines on a retrouvé des cadavres décomposés d'Algériens sur les rives situées à l'aval de la ville où fut rédigée la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.


Le plus grave fut, peut-être, ce qui se passa par la suite. Non seulement il n'y eut pas de minute de silence, ni au Conseil de Paris, ni à la Chambre des députés, mais on nia puis occulta la réalité de ce massacre. La police, le Gouvernement, les partis politiques établis (2), la presse oublièrent très vite ce qui s'était passé ces jours-là. Et ce silence dura vingt ans. Pendant vingt ans, cette abomination fut absente de la quasi-totalité des articles, des livres et des films consacrés à la guerre d'Algérie. Il faudra encore attendre dix ans de plus pour que quelques manuels scolaires fassent rapidement allusion à ce crime de masse ordonné et couvert par les plus hautes instances de l'Etat. Aujourd'hui encore nul ne peut affirmer avec exactitude combien de personnes furent assassinées par la police parisienne. Ce qui est certain c'est qu'il s'agit du bilan le plus tragique depuis la Commune de Paris de 1871.


C'est pour cette raison que nous soutenons pleinement la pose d'une plaque commémorative au pont Saint-Michel - même si nous aurions préféré un texte plus explicite sur les responsabilités de ce massacre (3) - Nous pensons qu'il faut aller plus loin que ce nécessaire et courageux acte symbolique. C'est pour cette raison que le groupe des élus Verts a déposé trois autres voeux concernant ce massacre. Le premier porte sur la reconnaissance de la responsabilité de la Préfecture de police, le deuxième sur l'ouverture complète et à tous de ses archives ; le troisème sur le sort de deux conservateurs des Archives de Paris injustement sanctionnés pour avoir témoigné sur ces tragiques événements dans un procès intenté par Papon contre l'historien Jean-Luc Einaudi qui a étudié les registres des morgues de la région parisienne pour faire une estimation du nombre des victimes - plus de 200 - de cette sanglante répression. Le Groupe des élus Verts recevra prochainement ces deux conservateurs à l'Hôtel de Ville. Le 17 octobre 2001, les élus Verts seront présents pont Saint-Michel pour l'inauguration de cette plaque. En mémoire des victimes et de leur proches, bien sûr. Mais aussi pour marquer notre opposition à tout ce qui pourrait permettre que de telles abominations se reproduisent un jour. Et, on peut être inquiet quand, par exemple, dans la feuille de chou d'un élu d'opposition du Conseil de Paris, on lit, à propos des récents attentats qui se sont déroulés aux Etats-Unis, la phrase suivante : "Dans un pays civilisé, sous la menace de réseaux terroristes internationaux, les populations immigrées, communautés parmi lesquelles les terroristes pourraient être comme des poissons dans l'eau, doivent être contrôlées de près." cet élu du IIème arrondissement (4), assis à sa place, à l'extrême droite de l'hémicycle, aura reconnu son message raciste et haineux. On espère qu'il ne deviendra jamais Préfet de police à Paris ou ailleurs...

(5) (1) A ce moment, hurlements sur les bancs de la Droite. J'arrête mon discours puis reprend la phrase au début. Les quatre groupes de l'opposition quittent l'hémicycle pour la première fois de la mandature...
(2) Protestations sur les bancs communistes.
(3) Le texte voté est le suivant : "A la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961."
(4) Christophe Lekieffre qui siège en élu non inscrit et qui attaque régulièrement les écologistes dans son journal et en particulier Jacques Boutault, le Maire Vert du IIème arrondissement.
(5) Une fois voté, le principe de la pose d'une plaque commémorative, le subtil et tibériste professeur Cabrol, se lève et hurle en notre direction : "taliban"